Life Without Sex
> Introduction
Discographie (1999-2000)
Discographie (2000-2002)
Conclusion

 

47ASHES
OU LE DÉVOILEMENT
DE LA STRATÉGIE
DE LA TENSION



«Le portrait-robot de ce visage encore vide du nouveau Pouvoir lui attribue vaguement des traits "modernes" dus à une tolérance et à une idéologie hédoniste qui se suffit pleinement à elle-même, mais également des traits féroces et essentiellement répressifs : car sa tolérance est fausse et, en réalité, jamais aucun homme n'a dû être aussi normal et conformiste que le consommateur; quant à l'hédonisme, il cache évidemment une décision de tout préordonner avec une cruauté que l'histoire n'a jamais connue. Ce nouveau Pouvoir [...] est le résultat d'une "mutation" de la classe dominante, est donc en réalité - si nous voulons conserver la vieille terminologie - une forme "totale" de fascisme. Mais ce Pouvoir a également "nivelé" [la société] du point de vue culturel; c'est donc d'un nivellement répressif qu'il s'agit, même s'il a été obtenu par l'imposition de l'hédonisme et de la joie de vivre. La stratégie de la tension, même si, au fond, elle est anachronique, constitue un indice de tout cela.»

Pier Paolo PASOLINI ("Le véritable fascisme et donc le véritable antifascisme", paru
sous le titre de : "Le Pouvoir sans visage", Corriere della sera, 24 juin 1974,
in "ÉCRITS CORSAIRES")



Que nous importent les multiples cassettes ou les lives de IN ZHE GAZA MEGAKITSCH (1991/94) ou le 7" réalisé (à 20 copies –donc introuvable icône) sous le nom LE SERPENT SECRET OCCIDENTAL, "Girls Love Disco/Violent Death Feed-Back Experience" (1996) ?

Par delà leurs spécificités et qualités intrinsèques, ces enregistrements encore collectifs se doivent de constituer les prémices (forcément) mythiques d'une prise de conscience salubre qu'il appartient à l'auditeur concerné –et à lui seul– de rechercher.

Après trois ans de silence, c'est avec le projet-solo 47 ASHES que Pierre BARTHÉLÉMY (aka Frater Saint-Pierre –"celui qui possède les clés") développe, sous un aspect féroce et corrosif ("pamphlétaire" serait-on tenté d'écrire), un art qui se plaît à dénombrer et illustrer les mécanismes de contrôle, authentiques piliers de toute société (occidentale ou non). Ces processus imposés par des gouvernements non-légitimes qui ne sont (pour reprendre littéralement le philosophe et juriste anarchiste américain du XIXème siècle Lysander SPOONER) que des "association secrète de voleurs et d'assassins... dont la prétendue légitimité ne repose que sur le monopole de la violence et des armes" (associations de malfaiteurs dont le but à atteindre par tous les moyens est –faut-il encore le préciser ?– le profit).

Pourtant, l'œuvre de 47ASHES, autoproduite comme l'on s'y attendra, oscille-t-elle entre la représentation de cette aliénation-tyrannie culturelle, ce "Pouvoir" que PASOLINI écrivait avec un P majuscule, et (et c'est là le signe distinctif de ce projet car l'œuvre nous renvoie sans complaisance aucune cette réalité au visage) l'image de NOS PROPRES comportements en réaction à cette oppression. En l'occurrence, la filiation tout aussi stérile à d'autres modèles (paradoxalement pensés libérateurs) : grandes religions, organisations secrètes, églises et sectes philosophico-religieuses ou apocalyptiques (pseudo-libération par des croyances en des au-delà aussi exotiques et hermétiques qu'incohérents), partis politiques, paramilitarisme, "scènes" musicales décadentes (easy-listening, pop-music, black-metal, mais aussi industrielle et noise, que l'on ne s'y trompe pas), sexualité déviante...

Autant d'exemples non à suivre, mais donnés, pardon, jetés à méditer. Car la seule vérité recevable se trouve À L'INTÉRIEUR.

Ainsi, ces organisations qui annihilent la pensée individuelle UNE SECONDE FOIS concrétisent-elles l'omniprésent modèle de "la double aliénation" (imposée à la naissance, au niveau social et culturel, puis dans l'illusion de la liberté, par l'appartenance crédule à des groupuscules rigides et préétablis) : LA CONSPIRATION MONDIALE.

Paré d'un sens de l'humour cynique très particulier (indice d'un éloignement suffisant permettant l'affirmation d'une solide individualité) et d'une réelle érudition en rapport avec les organisations manipulatrices internationales (j'en veux pour preuve les interviews de St Pierre), 47 ASHES ne sonde ni n'analyse : il ouvre, dissèque et émonde sans état d'âme aucun le mode de fonctionnement du système et les réactions de masse face au dictât planétaire (la nature humaine égoïste et duelle : à savoir que pour échapper à sa condition d'esclave, l'esclave projette l'asservissement d'autres esclaves).

Le travail de 47ASHES n'est en rien une mise en garde ou une prise de conscience visant au collectif mais baigne dans ce dédale d'informations. Que chacun s'arrange.

Les renvois hétéroclites (armé de méfiance, on se devra de discerner dans ce réseau, les repères fermes des références fumeuses données en citation/brassage que Frater Saint-Pierre se plaît à rendre énigmatique au plus haut point) dessinent une œuvre vivante, en perpétuelle évolution, dressée pour l'édification d'une "magie" contemporaine exclusivement personnelle.


Face à l'inquisition du "Pouvoir", quelques voies semblent s'ouvrir : l'indifférence (un état matériellement impossible donc totalement utopique; il ne peut s'agir que d'indifférence feinte), le rejet total ou anarchie (vue également inféconde et illusoire), la recherche d'un semblant de sécurité sous la coupe de hiérarchies non-étatiques (mais dont l'emprise est tout aussi réellement castratrice) ou, enfin, la célébration de quelques penseurs et artistes libres dont les idées, actions et réalisations semblent offrir des bases de réflexion et ouvrir des alternatives possibles.

C'est cette dernière option qui paraît avoir été retenue. Ainsi le panthéon personnel de 47ASHES s'orne t-il de rares noms (maîtres appartenant à différents domaines de la création : Howard Phillips LOVECRAFT, James Graham BALLARD, Boyd RICE/NON, Jordi VALLS/VAGINA DENTATA ORGAN, Juntaro YAMANOUCHI/THE GEROGERIGEGEGE...) qui ne sont en rien de pures références (terme par trop inféodant) mais autant d'élites remarquables.


Étrangement, le travail de 47ASHES est globalement perçu comme une offensive scandaleuse et provocatrice dirigée contre le "Pouvoir" ou comme la célébration d'idéologies sectaires. Mais pas de récupération possible car ces deux aspects sont strictement pris pour cible et 47ASHES remet en question, attaque, moque, ruine et sape finalement aussi les fantasmes, fanatismes, idolâtries, habitudes et besoin de confort de la masse (béquilles supportant la paresse intellectuelle), ces signes manifestes du crétinisme ambiant.


Au vu des opus parus (les thèmes retenus sont consciencieusement brouillés, flétris, puis invalidés et démolis un à un), on peut prédire qu'au moment de l'épilogue, rares seront les certitudes encore recevables. Tout cela est évidemment bien désagréable, mais une fois dans la danse, il faut danser.


<< previous   next >>