Life Without Sex
Introduction
Discographie (1999-2000)
> Discographie (2000-2002)
Conclusion

 

DISCOGRAPHIE COMMENTÉE
de 47ASHES



o "MORGENSHEUTEGESTERNWELT – POP MUSIC" (2001) CDR (14 tracks; running time : 14'47'' / 47 copies).

"MORGENSHEUTEGESTERNWELT – POP MUSIC" ou la thèse de la conspiration mondiale. La figure principale du CDR est l'incarnation ultime du Mal : un Satan bourgeois, dans son intimité, revêtu d'une confortable robe de chambre et fier de son œuvre. Les graines semées au cours des siècles ont germé et il récolte maintenant le fruit de son labeur. La machine asservissante fonctionne d'elle-même; outre les contraintes sociales que la masse réprouve et combat vainement, les solutions libératrices proposées restent tout aussi stériles et fusent dans la plus grande confusion : attente de la présence extra-terrestre, lecture des Livres des Morts, embrigadement et sectarisme (l'obscure secte Illuminatus semble la seule organisation susceptible d'être en mesure de concurrencer sérieusement le Pouvoir), psychédélisme stérile, actions terroristes face à l'état policier, adoration black metal... Toutes les filiations sont acceptées, tous les moyens sont recevables du moment qu'ils permettent au citoyen d'ignorer les rets tyranniques, n'est-ce pas ?

"MORGENSHEUTEGESTERNWELT – POP MUSIC", à travers "Satanic Supreme", "Cthulhu Cult", "Pentagone Pigs" (quels titres révélateurs !) et les autres pièces, s'attache à visiter ces modes de pensées risibles, déjà obsolètes avant leur propagation, puisque qu'ils sont un refus en amont de faire jouer la faculté de jugement, de peser objectivement les faits et de tirer les conclusions qui s'imposent.

La figure de LOVECRAFT émerge de ce magma d'aliénations; elle a contribué à démontrer, par des écrits prophétiques, la faiblesse et la stupidité de la masse.

Si la présentation visuelle de ce travail est acerbe et sarcastique (Satan entouré d'un "pot-pourri" de croyances illuminées), la musique (définie, s'il vous plaît, comme de la "Pop Music") est... un noise décapant ! "MORGENSHEUTEGESTERNWELT" reprend les préoccupations formelles de "NOISE, NAPALM AND NECROPSY" mais pousse la radicalité jusqu'à supprimer tout élément agréable à l'oreille. Cette collection de quatorze miniatures dures (ou haïkutronics) allie des ambiances mécaniques imparables à des pointes de harsh-electronics sans concession. Le son se ramasse, devient plus compact et "MORGENSHEUTEGESTERNWELT" éclate un peu plus la sphère d'influence de 47ASHES.

Ces pièces sont parcourues d'une respiration : cette "régularité irrégulière", aléatoire, qui noie et enveloppe l'auditeur, ce vide énigmatique qui se donne à la perception et qui habite chaque réalisation de 47ASHES.

Le dernier morceau, un extrait de film, dialogue au sujet de la "théorie de l'univers souterrain", met en lumière le désir frénétique de fuite inhérent à l'existence et débouche sur la conclusion de la vacuité du mysticisme scientifique, en attente du grand Helter Skelter.


o MELEK-THA & 47ASHES, "THE EARTH ABOMINATION [ KREATE YOURSELF YOUR SELF-DESTRUCTION ]" 2 x CDR (2001) (CD1 : 5 tracks; running time : 74'11''. CD2 : 5 tracks; running time : 73'30 / 100 copies).

Sold out quelques semaines à peine après sa sortie, ce double CDR présenté dans un boîtier DVD et assorti de nombreux inserts couleurs est conçu comme une collaboration sans contamination (MELEK-THA et 47ASHES assurant un CDR à part entière) et se doit d'être écouté simultanément par l'utilisation de deux chaînes hi-fi. Si le résultat conjoint apparaît comme une masse puissante et cohérente, chaque projet se distingue aisément à l'écoute. A MELEK-THA qui propose son "Armageddomineered music" sur le CD 1 (MELEK-THA, "Phase One – THE EARTH ABOMINATION"), 47ASHES répond par ses "Sickadelic sounds" (47ASHES & MELEK-THA, "Phase Two – ADDITIONAL SOUNDS EFFECTS" / CD 2). Malgré l'appellation, il ne faut pas s'y tromper : les cinq untitled qui composent le CD sont bien du pur 47ASHES (Lord EVIL ayant contribué au mixage). Ces bruits variables, typiques de 47ASHES, sont ici nommés : "Sickadelic sounds".

Considéré séparément, le "Phase Two" est conçu dans une veine Dark ou Death-Ambient (parfois proche de certaines production d'ambient-noise) : sons amples, nappes synthétiques oppressantes donnant une impression spatiale de grand vent, de souffle puissant. Mais à ces "sons lisses" et horizontaux est ajoutée une densité granuleuse particulière, un son omniprésent et dérangeant.

Cette texture (obtenue par manipulations), ce "grain" minimaliste qui parasite l'écoute, donne un résultat profond, moins direct et moins grandiloquent que le CDR de MELEK-THA, et transmute ce "Phase Two – ADDITIONAL SOUNDS EFFECTS" en un Dark-Ambient expérimental, gangrené de Noise, riche, instable et authentiquement pervers.

Ce split démontre une fois de plus que 47ASHES ne pratique en rien d'une musique simple et monolithique : échappant à toute étiquette, c'est une œuvre à multiples niveaux, toujours en contrepoint d'elle-même (cet étrange équilibre) et nécessitant plusieurs filtres pour être appréhendée correctement dans sa globalité.


o "RAGNAROKARAOKE" CDR (2002) (12 tracks; running time : 42'28'' / more copies).

Ce premier CDR longue durée de 47ASHES abandonne les tons ocres jusqu'alors utilisés exclusivement et joue sur le noir et blanc.

L'illustration est un montage érotique (des seins gonflés ostensiblement exhibés), guerrier (une dague vers laquelle se tendent des mains adoratrices) et obsédant (l'assemblage est effectué de différentes façons selon que l'on considère la front cover, la back cover ou le livret).

Le cycle de la "série brune" (inauguré avec "MY FIRST BLACK ALBUM") s'est clos avec "MORGENSHEUTEGESTERNWELT – POP MUSIC" et, après la collaboration avec MELEK-THA, c'est maintenant le temps du "RAGNAROKARAOKE".

Le descriptif officiel en dit long sur l'état d'esprit et mérite d'être reproduit :


"The first necronomicocktail of sickadelic soundscapes, europaganonsense music and minimalisterical ultrapocalypsongs by this bizarre French artist... When "less" is "more" in your folk-face, Kamerads ! Feat. MELEK-THA in the mix" (47ASHES).


Ce CDR réactive et recondense les sujets et genres abordés jusqu'alors mais les transcende indéniablement et les pousse toujours plus loin, en quête de l'énergie brute. Les adjectifs qui se proposent simultanément à l'esprit pour qualifier le son de "RAGNAROKARAOKE" sont "primordial" et "ultime", étrange association au premier abord mais qui rend bien compte de ces constructions électroniques dures (ce courant de violence sonique) procurant ivresse des sens et amok.

Tout en conservant un caractère sauvage, direct et minimaliste, ces 12 morceaux s'étoffent d'un vocabulaire varié, au cas par cas, comme il sied à un album. Que l'on en juge par quelques exemples : "Extra Kitsch-A-Go-Go" ouvre le CDR par un karaoké féminin, sur le motif de "James Bond"; une ambiance surannée et exotique tranchant nettement avec le reste du CDR. "Angry Bloody Barback (Red Meat Mix)" est une solide composition de boucles Noise accompagnée de voix hystériques (voilà le vrai karaoké de notre époque). "The Sexy Sound Of Swirling Swords", "Europaganoisicians" (manifeste supposé qui mêle un fond électronique bourdonnant à des... cornemuses celtiques) et le mantrique "Hail ! Division Black Edelweiss" renouent avec une idée chère à 47ASHES : le fétichisme guerrier. "Freestyle Xtrem-Justice" avec ses bruits de destruction (verre et métal) est très "free" au niveau vocal (la Destroyed Music de THE HATERS jointe au compte-rendu d'une exécution en place publique – la vengeance personnelle dans sa forme la plus déchaînée; sans appel). "In Dust We Trust" (détournement de la devise de nos chers cousins autoproclamés "Maîtres du Monde"), morceau conceptuel, est constitué d'une structure "rythme + boucle" sur fond de brasier crépitant. Le track "Buckaroo Voodoo Violence (for Juntaro Yamanouchi)" est un hymne bien raide au "King of Tokyo", le mentor de THE GEROGERIGEGEGE... Une parenthèse silencieuse casse l'écoute et c'est le final : "Ultrapocalypsong". Un tel CDR ne pouvait s'achever que de cette manière : le segment sonore d'un avion kamikaze inlassablement mis en boucle. Aucune échappatoire.

Excepté "MY FIRST BLACK ALBUM", abouti en soi mais laissant présager un travail en devenir, les CDR précédents de 47ASHES étaient des concept-albums procédant globalement du même moule (des écarts, mineurs, parsemant l'écoute ça et là) et c'est cette stricte cohésion qui faisait leur poids et leur valeur. "RAGNAROKARAOKE", lui, est un album riche (se) jouant de plusieurs thèses et décantant le son sous plusieurs modes (avec ou sans rythme; mélodique ou brut; loops; bruits blancs irréguliers / Sickadelic sounds).

Le problème de déterminer s'il s'agit d'une réalisation Power-Electronics ne se pose pas. Ce genre inauguré par WHITEHOUSE (et dont les suiveurs sont légions) se caractérise par une voix hurlée apposée à une texture sonore rigide, presque "formatée". Ce n'est en rien le cas car si quelques boucles sont bien présentes au sein de "RAGNAROKARAOKE", les voix, elles, sont off.

Quant à l'idéologie... L'art du second degré est ici porté à son apogée; kitschs, agressifs, décalés, inquiétants, ambient (ambient plombé, il faut le préciser) ou conceptuels, les morceaux de "RAGNAROKARAOKE" forment une collection de pièces insidieuses illustrant l'ambiguïté et les contresens (pourtant matériellement bien perceptibles) de la grande représentation quotidienne.

Dans ce bar-restaurant hors du commun, l'écoute, fatalement surréaliste, envoie l'auditeur balader sans ménagement dans un dédale de références paranoïaques. UN TRÈS PLAISANT MOMENT à travers les émotions humaines extrêmes.


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